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Florilège : L'aventure d'un livre

 

Jules Boulard 

Livre précieux, mémoire enfouie - Photo M-A D.

Voici une histoire vraie.

 

Elle est triste et très belle à la fois.

Je ne me souviens plus du nom ni du prénom 

de celui qui en a été le héros.

Mais je vous jure qu’elle est authentique. 

 

Quand il était gamin, à l’école, 

on lui avait conseillé de lire un beau livre

de la bibliothèque de l’école.

 

C’était l’histoire d’un jeune Flamand

qui s’était rebellé contre les Espagnols,

les soldats du roi Philippe II qui avaient envahi la Flandre.

 

Le titre du livre, c’était :

… les aventures  de Tijl Uylenspiegel (1)… 

Le gamin a grandi, il s’est marié, et il a eu une fille.

C’est sa fille qui m’a raconté son histoire. 

 

Un jour, il a retrouvé le livre chez un bouquiniste.  

 

Les livres que l’on achète chez les bouquinistes 

ont déjà une histoire mais on ne la connaît pas.

Je crois que si on la connaissait,

on traiterait les vieux livres avec beaucoup de respect… 

 

L’homme a donc acheté le livre Tijl Uylenspiegel 

dont il avait gardé un très bon souvenir. 

C’était un livre assez petit, que l’on peut glisser dans une poche. 

Il le relisait souvent avec plaisir. 

 

Il le relisait avec encore plus de plaisir  

parce qu’à cette époque-là, en 1943,  

la Belgique était occupée par les soldats allemands,  

comme par les soldats espagnols autrefois. 

 

Alors, comme "Tijl" qui s’était rebellé contre les Espagnols, 

l’homme, à sa façon, s'est rebellé contre les Allemands. 

Il a fait de la "résistance". 

Il transportait des renseignements entre les groupes de résistants, 

pour aider les soldats alliés à débarquer. 

 

Un jour, les soldats allemands sont venus l’arrêter. 

Au moment de partir, 

après avoir dit "au revoir" à sa femme et à sa fille, 

il a glissé le petit livre dans sa poche. 

 

À Malines, les soldats l’ont poussé dans des wagons à bestiaux, 

avec d’autres malheureux, 

qu’on emmenait dans un camp de concentration. 

 

Il a toujours pu cacher le livre. 

Il le lisait en cachette, et ça lui donnait du courage. 

Parfois même, malgré la vie terrible du camp, 

il riait… 

Il riait des bonnes farces que Tijl Uylenspiegel jouait aux soldats espagnols.

 

Dans le camp, vivre, c’était résister. 

Lire, c’était résister deux fois. 

Rire, c’était résister trois fois. 

 

Mais, un jour, il est devenu malade. Très malade. 

Il a compris qu’il ne pourrait bientôt plus résister 

parce que la vie le quittait un peu plus chaque jour. 

Alors, avec un crayon volé aux Allemands, il a écrit. 

Il a écrit sur les pages blanches de son petit livre. 

Celles que l’on appelle "les pages de garde". 

Il a écrit à sa femme et à sa fille. 

Il a écrit qu’il allait mourir mais  

qu’il les aimait toujours aussi fort et qu’il pensait à elles sans arrêt. 

Il a écrit aussi de très belles choses sur son pays, 

la Belgique, 

et sur la Liberté. 

 

Et puis, avec les dernières forces puisées dans son pauvre corps qui ressemblait à un squelette, 

il a enfermé le livre dans une boîte,  

et l’a jeté par-dessus la clôture de fils barbelés, 

la clôture qui voulait enfermer la Liberté. 

 

Il n’est jamais rentré chez lui. 

Son corps a disparu, brûlé dans les fours crématoires,  

ou enseveli dans les fosses communes,  

avec des dizaines de milliers d’autres pauvres gens comme lui. 

 

En 1945, ce sont des soldats russes de "l’Armée Rouge" 

qui ont découvert le camp de concentration, 

et libéré les derniers déportés qui s’y trouvaient. 

 

En se promenant autour du camp, 

un soldat russe a trouvé la boîte, avec le livre. 

Il ne lui a pas fallu longtemps pour comprendre de quoi il s’agissait. 

Il a compris que c’était une histoire très belle et très triste à la fois. 

 

Mais il lui a fallu près de deux ans pour comprendre l’adresse, 

et pouvoir faire passer le livre par-delà "le rideau de fer" 

qu’on installait pour essayer, 

une fois encore,  

d’enfermer la Liberté. 

 

Ainsi, un jour de 1947, deux ans plus tard, 

dans leur maison de Bruxelles, 

une maman et sa petite fille ont reçu, par la poste, 

le dernier message d’amour de  

celui qui n’avait jamais cessé de penser à elles, 

là-bas, 

dans un camp où sa pensée était restée libre, 

grâce à un petit livre. 

 

On ne pourra jamais enfermer Tijl Uylenspiegel, 

ni ceux qui l’aiment, 

ni derrière des fils barbelés, 

ni derrière un rideau de fer, 

ni autre chose, tant qu’il y aura des livres, 

des auteurs pour les écrire, 

des lecteurs pour les lire et les relire, 

des gens de bonne volonté pour les faire passer 

au-dessus des murs de la bêtise. 

 

Si Charles De Coster, l’auteur de 

La légende et les Aventures de Tijl Uyilenspiegel 

et de Lamme Goedzak (2) 

avait connu cette histoire-ci, 

il aurait été encore plus fier de son livre.

 

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(1) "Tijl Uylenspiegel" pourrait se traduire par "Til l’Espiègle". Une histoire du XVIIe siècle.

 

(2) Dans le livre de De Coster, Lamme Goedzak est l’ami de Tijl.

 

Lumière d'espérance - Photo M-A D. 

 

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