Florilège : Ether

 

N2D

Ether - Photo N2D

 

 J’entre dans le département spécial monté à la hâte pour accueillir par dizaines les contaminés. 

 

 

Je marche dans les couloirs, mal à l’aise, évitant les regards.

 

Hier, nous exploitions les animaux de manière industrielle partout dans le monde.

 

Hier, nous détruisions leur habitat, favorisant la transmission des virus et leur mutation.

 

Hier, nous voyagions dans tous les sens sur la planète et polluions sans compter à grands coups de particules fines, favorisant le déplacement de ce virus de malheur et sa propagation dans l’espace.

 

Hier, nous votions pour des politiques prônant la loi du plus fort et sacrifiant le budget de la santé sur l’autel de la productivité et de la croissance.

 

Hier, nous courrions sans cesse pour des futilités, oubliant le plus important : passer du temps avec ceux que nous aimons, jouer avec nos enfants, nous émerveiller de la beauté de la nature et des saisons. 

 

 

Hier, nous nous sentions tout puissants.

 

Convaincus que tout ça ne pourrait pas arriver dans nos pays riches et modernes. 

Détresse - 03.05.2020. - Photo M-A D.

Je le vois derrière la vitre, au loin.

 

Je ne peux pas entrer.

 

Il ne me voit pas.

 

Il est inanimé.

 

Une infirmière masquée entre et sort, vérifiant des paramètres.

 

Semblant débordée mais concentrée.

 

Dans le lit, je le vois suffoquer.

 

On parle de respirateur.

 

Les médecins se bousculent.

 

Je sens que moi aussi j’étouffe.

 

Je voudrais casser cette vitre.

 

Je le vois étouffer.

 

Je veux entrer.

 

On me retient.

 

Ils ne veulent pas que je sois contaminée.

 

Je m’agrippe à la poignée de la porte.

 

Mes jambes me lâchent.

 

 

Je veux hurler, mais aucun son ne sort de ma gorge.

 

Ma tête tourne.

 

Je le vois mourir.

 

Je ne peux pas lui serrer la main, être près de lui.

 

Je ne peux pas lui dire au revoir.

 

Je m’évanouis.

 

C’est trop.

 

Ma tête tape contre la vitre alors que j’entends les chocs de la réanimation.

 

Jamais je ne sentirai plus sa main effleurer la mienne.

 

Jamais je ne me perdrai plus dans la profondeur de son regard. 

 

 

Rien ne sera jamais plus comme avant. 

 

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