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Florilège : À la foire de Libramont

 

Jules Boulard 

Pommes du cognassier du Japon délicieuses en gelée et Foire de Libramont - Photo M-A D.

 

 

Il y a longtemps que la Foire de Libramont existe.

Peut-être bientôt 100 ans.

Aujourd’hui on peut aller y passer une journée 

et puis rentrer chez soi le soir même.

 

En voiture, en train, à moto et même à vélo,

ça peut être une promenade d’un jour.

 

Mais la foire existait déjà bien avant l’automobile.

Les trains étaient rares, les motos aussi et 

 

il n’y avait pas beaucoup de vélos.

 

Beaucoup d’Ardennais y allaient à pied et 

devaient alors loger sur place. 

 

Il y avait quelques auberges, un ou deux hôtels, mais trop peu pour répondre à la demande de très nombreux visiteurs.

On demandait alors de pouvoir dormir chez l’habitant.

On trouvait alors une chambre pour quelques sous.

On avait un lit et il arrivait aussi que les moins riches doivent dormir à deux ou à trois dans le même lit. 

 

Narcisse, qui voulait être "marchand de vaches", et son frère Lucien, qui cultivait, avaient décidé d’aller ensemble à Libramont.

Ils avaient très peu d’argent, seulement quelques sous.

On verrait bien… On trouverait bien un œuf par ici, un morceau de pain pour la faim ou une pomme pour la soif, par là. 

 

Eh bien ! Non ! Il n’y avait rien à trouver sans payer.

Sinon quelques pommes vertes à marauder dans les vergers.

Mais les fermiers veillaient et, quand ils voyaient des maraudeurs, ils lâchaient leurs chiens.

 

En ce temps-là, le long des routes, 

on trouvait parfois des "pommiers à vinaigre".

C’étaient des pommiers tout tordus, souvent très vieux,

dont on ne récoltait même plus les fruits pour faire du vinaigre, comme faisaient les vieilles gens.

Les pommes étaient sûres, petites, dures et tachées.

En plus, au mois de juillet, elles n’étaient même pas mûres. 

 

Il faisait très chaud… On avait donc très soif…

Narcisse et Lucien qui voulaient garder leurs quelques sous

pour se loger, avaient très faim et encore plus soif.

Ils avaient déjà marché 20 kilomètres; il en restait 10 au moins. 

 

Au carrefour de la route d’Ochamps et de Bouillon, 

il y avait un vieux pommier à vinaigre.

Les deux frères ont cueilli quelques fruits.

Ils se sont assis au bord de la route 

et ont mordu dans les pommes… 

 

Quelle grimace !

C’était atroce !

Aussitôt ils ont eu "les dents longues", comme on disait,

et la bouche comme "un cul de chien"… 

 

(Si vous trouvez un jour un "pommier à vinaigre", essayez de manger une pomme, et vous comprendrez ce que ça signifie…) 

 

Un peu avant la nuit, ils sont arrivés à Libramont.

Ils étaient très fatigués par leur journée de marche.

Ils avaient encore faim.

Ils ne trouvaient déjà plus à loger.

Et, dans leurs boyaux, les mauvaises pommes semblaient

se battre de plus en plus durement.  

 

Finalement, alors que la nuit était tombée, un habitant leur a dit :

- J’ai bien une chambre, avec un grand lit, mais il y a déjà un voyageur de commerce qui dort dedans…
Ma foi ! Si vous voulez vous serrer, à trois… On paie d’avance… Pour deux, je vous fais un prix… Ce sera six francs… 

 

Dans la chambre, le voyageur de commerce dormait déjà 

à poings fermés.

Il avait jeté ses vêtements sur une chaise et retiré ses bottes. 

 

Sans se déshabiller, et sans faire de bruit,

Narcisse et Lucien se sont couchés à côté de lui.

Il devait avoir bien bu et bien mangé car il ronflait très fort.

Il avait même laissé un cruchon de cidre et 

quelques belles tranches de pain blanc sur la commode,

avec un grand morceau de saucisson.

Il y avait aussi un beau cigare. 

 

Il ronflait toujours plus fort.

Les deux frères ne pouvaient pas dormir malgré leur fatigue. 

 

Quelques minutes plus tard, Lucien demande à Narcisse :

- Tu dors ?

- Je ne peux pas, répond l’autre.

- Tu as vu… le pain ?

- Oui… et le cruchon, et le cigare… 

 

Alors, d’un coup, ils se lèvent tous les deux, 

sur la pointe des pieds, 

et en une minute, "liquident" le pain, le saucisson et le cidre.

Puis ils se recouchent avec la même pensée : 

"Que va dire l’autre en se levant ?". 

 

- Tu dors ? demande Narcisse à Lucien.

- Non. J’ai mal au ventre… C’est à cause des pommes…

C’est la "va vite…"

- Moi aussi… Ça presse… 

 

On ne sait plus qui l’a dit.

Peut-être, l’un des deux l’a pensé, et l’autre l’a dit… 

À moins que ce soit l’inverse…

Toujours est-il qu’on a entendu quelqu’un murmurer tout bas :

- Il a deux bottes…

- Oui ! Et un cigare… Il en aura deux en échange…  

 

Une heure plus tard, couchés dans le foin d’une grange sur la route de Saint-Hubert, Narcisse et Lucien riaient "comme des bossus", en pensant à la tête du malheureux voyageur de commerce qui allait, au réveil, constater la disparition de ses tartines, du cidre de son cruchon, du saucisson, de son cigare… et trouver dans ses bottes deux "cadeaux" malodorants et anonymes. 

 

* C’est mon grand-père Lucien qui l’a racontée, cette histoire.

Mais il faut dire que c’était un fameux farceur, 

qu’il avait beaucoup d’imagination et, surtout, 

qu’il aimait faire rire les autres. 

C’était son grand bonheur.

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