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Florilège : Li Dvantrain

 

Roman "Jean-Baptiste"

 

Jean Delahaut

Lausprelle, 10.04.1990.

Chapitres

01. Rendez-vous (MAD)  * 02. Li Dvantrain (JD)  * 03. La Ducasse (MAD) 

04. La Communion (JD)  * 05. Augusta (MAD)  * 06. Tristesse (JD) 

07. 205 (MAD)  * 08. Période de guerre 1914-1917 (JD)  * 09. Fleurs des champs (MAD) 

10. L'ardoise de Baptiste (JD)  * 11. Emois interdits (MAD)  * 12. Une Montre en or (JD) 

13. Jeanne (MAD)  * 14. Recette pour vivre vieux (JD)  * 15. Tout l'amour d'une maman (MAD).

Note introductive par Jean Delahaut à sa fille, le 22.06.2004 :

 

Jean-Baptiste Delahaut (1834-1918), c'est notre lointain ancêtre. Son épouse était Stéphanie (1840-1917). Il était géomètre et secrétaire communal à Froidlieu et à Honnay. Son portrait, peint par son fils Octave, est au mur chez toi. Garde-le précieusement.

 

Lucien Delahaut (1863-1946), c'est ton bisaïeul; son épouse était Ernestine (1865-1930), modiste et commerçante. Il était secrétaire communal à Honnay.

 

Octave Delahaut (1901-1962), c'est ton grand-père. En premières noces, il avait épousé Jeanne (1905-1928), décédée deux mois après ma naissance. En secondes noces, Marie (1900-1971), sœur de Jeanne. Il était géomètre et instituteur communal à Focant. Il était ton parrain et tu sais combien il t'aimait.

 

Après, il y a Jean-Baptiste, ton père, qui a trouvé bon de raconter toutes ces histoires…

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Elèves de l'Ecole primaire de Honnay, 1907.

Octave est en première année, le 3ème assis au premier rang.
Archives photos de Jean Delahaut, collection M-A D.

 

 

A quatre heures, quand Monsieur Bourgeois avait donné le coup de claquoir pour signifier que l'école était finie, le petit Octave avait hâté les opérations de départ.

 

D'habitude, il montait immédiatement le grand escalier qui menait à l'étage de l'école où se trouvait le secrétariat communal. C'est là que régnait Lucien, son père, secrétaire communal comme l'avait été déjà son grand-père, Jean-Baptiste.

 

Le petit Octave, six ans bien faits, avait une envie folle de quelques instants de liberté. Le cartable sur le dos, passé au-dessus du "dvantrain", le tablier noir en coutil qui était l'uniforme de tous les écoliers de l'époque, il avait filé avec son ami Gustave, à cent mètres de là, près des fontaines de pierre qui servaient d'abreuvoir pour le bétail.

 

Immédiatement, ils avaient sorti de leurs poches des "tchiques di verre", billes précieuses aux couleurs chatoyantes, et, un genou en terre, ils avaient entamé une partie endiablée.

 

Ils jouaient depuis un quart d'heure quand Octave tendit l'oreille. Il avait reconnu, de très loin, les grelots de l'âne qui tirait la charrette de Baptiste, son grand-père.

 

En un tournemain, il avait ramassé ses billes, enlevé le cartable de son dos en faisant glisser les bretelles et arraché le tablier noir. Il l'avait roulé en boule et caché dans une anfractuosité du rocher d'où coulait la fontaine.

 

Il avait remis son cartable sur le dos, salué son copain qui retournait chez lui puis il s'était mis à courir dans la rue en pente. 

 

De loin déjà, il voyait son grand--père lui sourire. Il arrêta la carriole pour l'aider à venir, triomphant, s'installer à côté de lui sur la planche posée en travers de la charrette dont les roues cerclées de fer cahotaient sur le chemin empierré.

 

Après avoir donné un baiser sur le front de l'enfant, Jean-Baptiste prit dans la poche de son pantalon de velours le gros porte-monnaie qui ne le quittait jamais. Entre le pouce et l'index il saisit une piécette qu'Octave accepta, le sourire aux lèvres.

 

- "Merci Parrain", dit-il poliment, comme on le lui avait appris.

 

Entre le grand-père et le petit-fils régnait une étrange connivence. L'enfant était trop petit pour comprendre, mais il savait déjà que ce geste était un peu celui du péché, de l'acte défendu. La pièce, il y avait droit tout simplement parce qu'il n'avait pas de tablier.

 

La convention était tombée, quelques semaines avant, au moment de la rentrée scolaire. Baptiste avait vu son petit-fils venir vers lui, courant sur ses jambes menues : le tablier noir tout neuf donnait l'impression qu'il portait de courtes jupes.

 

Il lui avait dit : "Ecoute bien, gamin, chaque fois que tu viendras à ma rencontre, tu auras cinq sous, à condition que tu ne portes pas de tablier".

 

Était-ce, dans le fond de lui-même ce désir de ne pas voir son petit-fils s'assimiler aux deux gamines, Lydie et Augusta dont il avait bien dû admettre la naissance chez son fils Lucien, avant de voir, enfin, avec Octave, la survivance du nom assurée ?

 

Était-ce surtout cet éternel désir inscrit au plus profond de ses gènes, d'avoir toujours en tête une facétie, une bonne blague à faire à ses semblables et dont le souvenir se perpétuerait de génération en génération ?

 

Était-ce cette légèreté qui faisait son charme auprès des femmes ? Il savait les faire rire, il avait toujours le bon mot, ses réparties étaient célèbres et on se les citait, le soir, à la veillée…

 

Octave, cette fois encore, allait rentrer sans le tablier d'uniforme. Jean-Baptiste, en arrivant, aurait encore plein de mots joyeux qui allaient détendre l'atmosphère. Dans les embrassades, tout le monde allait rire, tant on savait qu'il avait le tempérament joyeux. 

 

Ernestine, sa bru, ne s'apercevrait que le lendemain de l'absence du dvantrain… Octave ferait un pieux mensong: il dirait qu'il l'avait laissé au portemanteau de l'école. Il serait grondé et repartirait avec un tablier neuf puisqu'il avait la chance d'être le fils de l'unique épicière du village et que le tas de tabliers noirs se trouvait là dans l'épicerie-mercerie au service de tous.

 

Leçon de conjugaison manuscrite dans le grand cahier de cours de l'instituteur de Focant, Octave Delahaut, en 1943. Collection M-A D.

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