Chapitres
01. Rendez-vous (MAD) * 02. Li Dvantrain (JD) * 03. La Ducasse (MAD)
04. La Communion (JD) * 05. Augusta (MAD) * 06. Tristesse (JD)
07. 205 (MAD) * 08. Période de guerre 1914-1917 (JD) * 09. Fleurs des champs (MAD)
10. L'ardoise de Baptiste (JD) * 11. Emois interdits (MAD) * 12. Une Montre en or (JD)
13. Jeanne (MAD) * 14. Recette pour vivre vieux (JD) * 15. Tout l'amour d'une maman (MAD).
Hour-en-Famenne au temps des moissons, 29.07.2019. Photo M-A D.
Baptiste avait assisté à tous ces événements de loin, un peu comme s'ils ne le concernaient pas. On aurait pu se demander s'il n'avait pas ressenti, dans cette grande prise de position de son fils Lucien, un tournant, un moment où l'on n'avait plus besoin de lui. Il n'avait pas demandé de détails sur le pauvre Léon. Même Octave était devenu un peu trop savant pour lui. Il semblait tellement occupé avec ses livres ou encore le temps qu'il passait chez les cousins de la Haie du Cerf à Revogne pour la fenaison qu'il ne l'avait plus vu depuis quinze jours, et pourtant c'étaient les vacances !
Il avait cessé d'aller au château, il y était pourtant apprécié. Depuis trente ans, il y faisait de petits travaux d'écriture et de comptabilité. C'était lui aussi qui arpentait les terres et les "triangulait" avec une lunette de visée qui avait servi pendant trois générations et qu'il venait de donner à Octave qui serait géomètre arpenteur comme l'étaient tous les instituteurs de l'époque. Il se souvenait des cigares que le baron lui donnait. Il aurait pu demander un salaire mais que n'aurait-il pas fait pour jouir de l'estime de Monsieur le Baron ? Cigare et Fine lui suffisaient, ainsi que l'honneur d'avoir travaillé pour lui. La Fine, surtout, il l'appréciait : ça le changeait du péquet de chez Fifinne.
A propos de Fifinne, Baptiste y allait de moins en moins. Il aimait pourtant cet unique café avec ses tables en chêne et ses chaises à accoudoirs. Au mur, quelques affiches notariales perdaient leurs punaises. Il y avait aussi des documents publicitaires pour un apéritif, "Dubo, Dubon, Dubonnet" pour ne pas le citer, et un grand chromo montrant une dame à longue jupe chevauchant avec dignité le dernier modèle de vélocipède. Il y jouait d'interminables parties de "couyon" et c'était lui qui marquait les lignes et les "couilles" sur une ardoise, à la craie. Jean-Baptiste ne dédaignait pas ce lieu et il restait le partenaire rêvé car il avait une parfaite science du jeu
Les fois où il venait encore, il s'asseyait, toujours à la même place, Fifinne apportait le petit verre à pied et le remplissait à ras bord. Baptiste le buvait, à petits coups, en le savourant, puis il bourrait sa pipe du tabac blond de son jardin, tiré d'une vessie de porc fermée par un lacet noir. Quand la pipe était à moitié fumée, il commandait une seconde goutte. Puis il déposait sur la table ses deux sous. Deux sous pour deux gouttes. Car Baptiste avait une fois pour toutes refusé les augmentations. Pour lui, la goutte était toujours à un sou : c'était immuable et personne ne le ferait changer d'avis. Et tous les quinze jours, Lucien passait pour payer l'ardoise. On n'aurait pas voulu que le père ait de la peine…
Au quinze août, les vacances d'Octave s'étaient terminées. Il avait repris la route de Carlsbourg et retrouvé son logement chez les cousins Loiseau. Il y avait là une cousine lointaine qui s'appelait Hélène. Elle avait des cheveux roux et de grands yeux. De grands yeux dans lesquels brillaient les prémices d'un grand amour…
La lunette d'arpenteur en cuivre évoquée par Jean-Baptiste, qu'il a offerte à son petit-fils Octave et que son arrière-petit-fils Jean a offerte à son arrière-arrière-petite fille Marie-Anne.
Collection M-A D.
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